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Dimanche 22 mai 2005, Forum-Meyrin
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Masques et Bergamasques |
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Suite dorchestre op.112 Ouverture |
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Petite Suite |
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orchestration de Henri Büsser En bateau
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Concerto en ré mineur |
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pour deux pianos et orchestre Allegro ma non troppo Solistes: Julie FORTIER et Christophe STURZENEGGER |
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Direction: Philippe GIRARD |
On juge trop souvent luvre de Gabriel FAURÉ avec le mépris condescendant que lon accorde à de la musique de salon. Il sagit là dune injustice criante. Fauré fait partie de ces musiciens couverts dhonneurs de leur vivant que la postérité se sent en devoir de remettre sèchement à leur place une fois disparus. Cette musique est pourtant dune richesse dinvention, dune délicatesse de ton qui la place parmi les meilleures.
Pour preuve, la suite dorchestre que le compositeur réalise entre 1918 et 1919 à la demande du prince de Monaco. On va monter, le 10 avril 1919 au Théâtre de Monte-Carlo, un divertissement en un acte mettant en scène Arlequin, Gilles et Colombine. Fauré prévoit une partition avec chant comportant huit numéros pour laquelle il reprend quelques compositions antérieures. Les dernières pièces quil compose alors, dès le mois de février précédant la création, formeront la suite présentée ici.
Si louverture manifeste un jaillissement continu de musique sur une pulsation bondissante, la couleur qui sen dégage évoque plus volontiers le clair-obscur que le plein soleil. Cest également la demi-teinte nostalgique qui frappe dans le menuet allegro moderato qui suit. La gavotte, quant à elle, déploie généreusement une énergie incisive jusque dans sa partie centrale, aux archaïsmes populaires. La pastorale conclusive ramène la tendre mélancolie qui baigne lensemble de luvre.
Une musique juvénile et tendre composée pour léternité par un jeune homme de 70 ans. Notons que Gabriel Fauré à cette époque de sa vie et comme quelque uns de ses prédécesseurs illustres nentend plus sa propre musique depuis près de quinze ans. Il est frappé de surdité depuis 1903.
Claude Achille DEBUSSY représente une bouffée doxygène dans la production musicale française de la fin du XIXème siècle. Lacadémisme semble dominer sans partage le monde musical parisien. La moindre nouveauté est reçue avec des sarcasmes sinon du mépris, souvenons-nous de laccueil fait à la Carmen de Bizet!
Arrive ce jeune homme, merveilleux pianiste, quon compare à un faune en raison de son grand front où semblent pointer de petites cornes. Et portes et fenêtres vont souvrir en un courant dair bienfaisant. Du faune, le jeune musicien possède lénergie et le goût de la provocation. Se pliant aux exigences du temps, il obtient le Prix de Rome en 1884. Sennuyant à mourir dans la ville éternelle, il supplie les plus hautes instances académiques dabréger son séjour. Il en apprendra bien plus en suivant la célèbre Madame von Meck, protectrice de Tchaïkovski, sur les routes dEurope en qualité de pianiste à tout faire.
Ce sera ensuite la fréquentation des milieux artistiques parisiens les plus novateurs qui va finir douvrir au jeune compositeur un champ dexploration infini. Fasciné par la peinture et les arts plastiques en général, on associera son uvre au mouvement pictural impressionniste avec tout ce que ce type de rapprochements peut avoir dartificiel.
Lorsque quil publie en 1889 une petite suite pour le piano à quatre mains, il précise quelle «ne cherche humblement quà faire plaisir». Ce plaisir est si manifeste quen 1907, Henri Büsser lorchestrera à la grande satisfaction du compositeur lui-même. Loin des pages de la maturité du musicien, Debussy nous offre ici ce quil y a de plus frais et joyeux dans son uvre. Quatre petits tableaux à déguster avec toujours sous les yeux les évolutions chorégraphiques dun corps de ballet imaginaire.
Luvre sera créée dans sa version orchestrale avec un succès retentissant en 1907 aux Concerts Lamoureux.
Claude Rostand écrit à propos de Francis POULENC: «Il y a chez lui du moine et du voyou». Cette simple phrase fera beaucoup pour brouiller le regard que le mélomane portera sur ce compositeur merveilleux. Il est vrai que bien des pages de jeunesse du musicien font preuve dun joyeux sens de lhumour et on ne pardonne pas lhumour en art. Il sera dès lors difficile à beaucoup de prendre aux sérieux lauteur de pages aussi profondes que les Litanies à la Vierge Noire de Rocamadour ou certaines de ses mélodies dune tendresse bouleversante.
Il y a toujours chez lui une distance, un regard parfois amusé parfois tendre sur son propre discours qui donne limpression dune ironie permanent et peu sincère pourtant sil y a une notion importante lorsquon aborde luvre de Poulenc, cest bien la sincérité. Arriver à se regarder sans complaisance, garder une distance face à son image, nest-ce pas le comble de lhonnêteté. Si, même dans ses pages les plus sombres, les plus mystiques, Poulenc garde un sourire, cest bien quil lui est impossible de se prendre tout à fait au sérieux, et cest une grande qualité.
Le concerto pour deux pianos marque la maturité pleine et heureuse dun compositeur royalement maître de ses moyens. La princesse Edmond de Polignac lui commande luvre quil compose dans leuphorie au cours de lété 1932. Elle sera créée au Festival international de musique de Venise le 5 septembre 1932. Cest le compositeur avec son ami Jacques Février qui assureront les parties solistes.
Les trois mouvements classiques du concerto traditionnel se retrouvent dans cette partition. Un allegro initial construit un discours aux apparences tout dabord essentiellement rythmiques. Le mouvement déroulera divers épisodes sans toutefois que cette verve motorique ne disparaisse complètement. Le mouvement lent fait directement référence aux concertos de Mozart par un motif qui oscille entre la citation et le pastiche. Le final retrouve la verve essentiellement rythmique du premier mouvement.
Si lensemble peut paraître composite, il nen nest pas moins dune efficacité joyeuse du meilleur aloi. Faisant la part belle aux solistes, le concerto pour deux pianos demande à lorchestre une attention soutenue pour assurer une partie daccompagnement fragmentée et épisodique. Poulenc qui ne sest jamais senti attiré par lécriture symphonique pure exploite toutefois ici quelques trouvailles instrumentales remarquables et fait preuve dun sens de lorchestration particulièrement raffiné.
Philippe Girard