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Dimanche 22 mai 2005, Forum-Meyrin
Dimanche 19 juin 2005, Fête de la musique, Viktoria-Hall

Au programme

Masques et Bergamasques

Suite d’orchestre op.112

Ouverture
Menuet
Gavotte
Pastorale

Petite Suite

orchestration de Henri Büsser

En bateau
Cortège
Menuet
Ballet

 

Concerto en ré mineur

pour deux pianos et orchestre

Allegro ma non troppo
Larghetto
Finale

Solistes: Julie FORTIER et Christophe STURZENEGGER

Direction: Philippe GIRARD

A propos du programme

Gabriel FAURÉ (1848-1924)
Masques et Bergamasques, Suite d’orchestre op.112

On juge trop souvent l’œuvre de Gabriel FAURÉ avec le mépris condescendant que l’on accorde à de la musique de salon. Il s’agit là d’une injustice criante. Fauré fait partie de ces musiciens couverts d’honneurs de leur vivant que la postérité se sent en devoir de remettre sèchement à leur place une fois disparus. Cette musique est pourtant d’une richesse d’invention, d’une délicatesse de ton qui la place parmi les meilleures.

Pour preuve, la suite d’orchestre que le compositeur réalise entre 1918 et 1919 à la demande du prince de Monaco. On va monter, le 10 avril 1919 au Théâtre de Monte-Carlo, un divertissement en un acte mettant en scène Arlequin, Gilles et Colombine. Fauré prévoit une partition avec chant comportant huit numéros pour laquelle il reprend quelques compositions antérieures. Les dernières pièces qu’il compose alors, dès le mois de février précédant la création, formeront la suite présentée ici.

Si l’ouverture manifeste un jaillissement continu de musique sur une pulsation bondissante, la couleur qui s’en dégage évoque plus volontiers le clair-obscur que le plein soleil. C’est également la demi-teinte nostalgique qui frappe dans le menuet allegro moderato qui suit. La gavotte, quant à elle, déploie généreusement une énergie incisive jusque dans sa partie centrale, aux archaïsmes populaires. La pastorale conclusive ramène la tendre mélancolie qui baigne l’ensemble de l’œuvre.

Une musique juvénile et tendre composée pour l’éternité par un jeune homme de 70 ans. Notons que Gabriel Fauré à cette époque de sa vie et comme quelque uns de ses prédécesseurs illustres n’entend plus sa propre musique depuis près de quinze ans. Il est frappé de surdité depuis 1903.

Claude Achille DEBUSSY (1862-1918)
Petite suite (orchestration de Henri Büsser)

Claude Achille DEBUSSY représente une bouffée d’oxygène dans la production musicale française de la fin du XIXème siècle. L’académisme semble dominer sans partage le monde musical parisien. La moindre nouveauté est reçue avec des sarcasmes sinon du mépris, souvenons-nous de l’accueil fait à la Carmen de Bizet!

Arrive ce jeune homme, merveilleux pianiste, qu’on compare à un faune en raison de son grand front où semblent pointer de petites cornes. Et portes et fenêtres vont s’ouvrir en un courant d’air bienfaisant. Du faune, le jeune musicien possède l’énergie et le goût de la provocation. Se pliant aux exigences du temps, il obtient le Prix de Rome en 1884. S’ennuyant à mourir dans la ville éternelle, il supplie les plus hautes instances académiques d’abréger son séjour. Il en apprendra bien plus en suivant la célèbre Madame von Meck, protectrice de Tchaïkovski, sur les routes d’Europe en qualité de pianiste à tout faire.

Ce sera ensuite la fréquentation des milieux artistiques parisiens les plus novateurs qui va finir d’ouvrir au jeune compositeur un champ d’exploration infini. Fasciné par la peinture et les arts plastiques en général, on associera son œuvre au mouvement pictural impressionniste avec tout ce que ce type de rapprochements peut avoir d’artificiel.

Lorsque qu’il publie en 1889 une petite suite pour le piano à quatre mains, il précise qu’elle «ne cherche humblement qu’à faire plaisir». Ce plaisir est si manifeste qu’en 1907, Henri Büsser l’orchestrera à la grande satisfaction du compositeur lui-même. Loin des pages de la maturité du musicien, Debussy nous offre ici ce qu’il y a de plus frais et joyeux dans son œuvre. Quatre petits tableaux à déguster avec toujours sous les yeux les évolutions chorégraphiques d’un corps de ballet imaginaire.

L’œuvre sera créée dans sa version orchestrale avec un succès retentissant en 1907 aux Concerts Lamoureux.

Francis POULENC (1899-1963)
Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur

Claude Rostand écrit à propos de Francis POULENC: «Il y a chez lui du moine et du voyou». Cette simple phrase fera beaucoup pour brouiller le regard que le mélomane portera sur ce compositeur merveilleux. Il est vrai que bien des pages de jeunesse du musicien font preuve d’un joyeux sens de l’humour et on ne pardonne pas l’humour en art. Il sera dès lors difficile à beaucoup de prendre aux sérieux l’auteur de pages aussi profondes que les Litanies à la Vierge Noire de Rocamadour ou certaines de ses mélodies d’une tendresse bouleversante.

Il y a toujours chez lui une distance, un regard parfois amusé parfois tendre sur son propre discours qui donne l’impression d’une ironie permanent et peu sincère pourtant s’il y a une notion importante lorsqu’on aborde l’œuvre de Poulenc, c’est bien la sincérité. Arriver à se regarder sans complaisance, garder une distance face à son image, n’est-ce pas le comble de l’honnêteté. Si, même dans ses pages les plus sombres, les plus mystiques, Poulenc garde un sourire, c’est bien qu’il lui est impossible de se prendre tout à fait au sérieux, et c’est une grande qualité.

Le concerto pour deux pianos marque la maturité pleine et heureuse d’un compositeur royalement maître de ses moyens. La princesse Edmond de Polignac lui commande l’œuvre qu’il compose dans l’euphorie au cours de l’été 1932. Elle sera créée au Festival international de musique de Venise le 5 septembre 1932. C’est le compositeur avec son ami Jacques Février qui assureront les parties solistes.

Les trois mouvements classiques du concerto traditionnel se retrouvent dans cette partition. Un allegro initial construit un discours aux apparences tout d’abord essentiellement rythmiques. Le mouvement déroulera divers épisodes sans toutefois que cette verve motorique ne disparaisse complètement. Le mouvement lent fait directement référence aux concertos de Mozart par un motif qui oscille entre la citation et le pastiche. Le final retrouve la verve essentiellement rythmique du premier mouvement.

Si l’ensemble peut paraître composite, il n’en n’est pas moins d’une efficacité joyeuse du meilleur aloi. Faisant la part belle aux solistes, le concerto pour deux pianos demande à l’orchestre une attention soutenue pour assurer une partie d’accompagnement fragmentée et épisodique. Poulenc qui ne s’est jamais senti attiré par l’écriture symphonique pure exploite toutefois ici quelques trouvailles instrumentales remarquables et fait preuve d’un sens de l’orchestration particulièrement raffiné.

Philippe Girard