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Dimanche 29 novembre 1998, Forum-MeyrinAu programme
A propos du programmeLudwig van BEETHOVEN Coriolan (création 1807)Héros ou traître ? Homme libre ou homme aliéné par son entourage ? Poursuivre sa route et son propre génie, solitaire ou rentrer dans le rang ? Telles sont, entre autres, les questions que pose la tragédie du juriste et poète Heinrich-Joseph von Collin dont Beethoven écrivit louverture en 1807. Coriolan est présenté comme un traître à sa patrie, un général patricien, chef de larmée des Volsques, qui humilie le Sénat romain. Sa mère et sa femme essaient de lattendrir, de le ramener à la raison ; il cède. Son armée révoltée lassassine. Musicalement, les coups de boutoirs de louverture nous entraînent sans préparation au cur du récit : le Sénat expulse Coriolan de son assemblée. Luvre ensuite travaille magistralement sur la tension entre le général, dur, hautain peut-être, orgueilleux, obstiné et les voix des deux femmes, tendres, amoureuses, compassionnelles. Il peut être intéressant de se demander comment Beethoven se situe par rapport à ses personnages, à leur problématique ; Beethoven sidentifie plutôt à Prométhée : humain qui déroba le feu de la connaissance aux dieux, et est éternellement châtié pour cet acte sacrilège. Beethoven - Prométhée, Beethoven - Coriolan, Beethoven - la femme et la mère, soyez-en, public, le seul juge... Ludwig van BEETHOVEN Triple Concerto op. 56 (création 1807)Il est toujours étonnant de voir Beethoven, le démocrate aux aspirations si humaines ou surhumaines, avoir eu tant damis parmi la noblesse. Tenez, le prince Lobkowitz à qui luvre est dédiée et lélève de rang royal, Lichnowsky, qui joua sûrement ce concerto. Contrairement aux concerti pour piano seul et orchestre, ce Triple Concerto ne présente pas les solistes luttant contre la masse orchestrale ou devenant les instruments de plus de la dite masse, il offre ainsi la possibilité au concerto de basculer vers une symphonie avec ajouts de couleurs solistiques ; cest une uvre où le piano, le violon et le violoncelle dialoguent égalitairement entre eux, avec lorchestre. Flash-Back. A lépoque baroque (~fin XVIe jusquau début XVIIIe siècle, Bach mourant en 1750 étant anachronique), on assiste au début balbutiant de la forme concertante : au sein dun dispositif orchestral, mais sen détachant par moments (par instants serait plus exact), un instrument ou un groupe dinstruments lancent quelques phrases musicales ponctuant le discours du tout. Cest là ce quon appelle le « concerto grosso ». Les concerti Brandebourgeois de Bach en marquent lapogée. Avec Mozart, le soliste mérite bien ce nom, mais on constate léquation suivante : soliste + orchestre = dialogue. Avec Beethoven, on voit quil en va autrement. Sauf dans ce triple concerto où notre compositeur retourne aux sources du concerto grosso, y ajoutant un dialogue intensif. Dans ses trois parties, le concerto révèle bien des richesses, par exemple certaines dissonances entre lorchestre et le violoncelle à lentrée de ce dernier, le cur émotionnel de luvre, le mouvement lent (si court, trop court ...) et dans le troisième mouvement, senchaînant au deuxième, peut-être assistons- nous, outre sa puissance, à un beau moment dhumour avec cette toute aristo-cratique polonaise, un peu empesée où vers la fin, la musique plus rapide bouscule lordre rythmique un peu rigide, telle une vie plus libre, plus fantasque, entrée dans quelque palais, par les fenêtres en y cassant un ou deux carreaux avant que tout ne revienne « comme avant » et sachève dans une certaine pompe. Beethoven à jamais, espère dans sa vie, dans sa musique un air plus libre, plus vivant ; nous pouvons y respirer quelques bribes nous appelant à des idéaux semblables. Joseph HAYDN Symphonie n° 96 « Le Miracle » (création 1791)Haydn, avec son humour, son sens du sous-entendu musical, de la mélodie abruptement interrompue, de linventivité subtile, de la surprise, qui transpirent de presque toutes ses uvres, nest-il pas, plus que Mozart, le frère aîné de Beethoven ? Haydn, lui au service de la noblesse, mais si sûrement et tranquillement individuel, libéré de ses obligations en 1791, fait un voyage à Londres où il est ovationné. Il est à ce titre plus entreprenant que Beethoven qui jamais ne réalisera ce rêve. Cest pour une de ces saisons londoniennes que la symphonie de ce soir fut écrite. Pourquoi le surnom de « Miracle » ? Cest une usurpation. En fait, cest lors de la création dune autre symphonie (la n° 102) que survint lincident suivant : Le public anglais, en délire, demande en bis le dernier mouvement, les auditeurs quittent leurs sièges pour sapprocher du grand compositeur. A ce moment un lustre sécrase au beau milieu des places ainsi libérées : confusion, plus de peur que de mal, cela nest-il pas un miracle ? On trouve bien des surprises dans cette uvre, ne serait-ce que lutilisation du rythme de quatre notes répétées de la façon suivante : trois brèves, une longue , rythme avec lequel Beethoven construira la bien connue 5e symphonie. Le troisième, constitué dun menuet dépouillé de ses attributs aristocratiques énonce une musique dans lidiome populaire. Le quatrième mouvement, et ses motifs courts, reflète la brièveté de toute cette partie. Haydn reste encore méconnu, sa musique est moins immédiatement novatrice à lécoute que celle de Beethoven. Tout cela paraît facile, et pourtant... Et pourtant, public, vous qui nous faites lhonneur dêtre ici ce soir, chez Haydn aussi il y a largement de quoi puiser contre la routine quotidienne qui parfois peut nous conduire à perdre un peu de notre individualité. Bonne soirée G.L. |